MACRON : VACCINER LE MONDE, VRAIMENT ?
Je suis vacciné, deux doses, pour moi le système a fonctionné. J’ai conscience de l’immense privilège. Si j’écris cette tribune suite à l’allocution du président Macron, c’est pour attirer l’attention collective sur un angle mort de la stratégie vaccinale qui, le temps n’aidant pas, tourne déjà en France à un schisme ethnique…
La vaccination via Doctolib, application, web, etc., c’est urbain, blanc, CSP+ et affinités. Le président a raison d’aller vers l’obligation vaccinale, mais encore faut-il que ce soit plus qu’une simple intention. Sur des populations poreuses aux discours anti-vaccins par les traumatismes de l’histoire (oui, les populations noires mais aussi amérindiennes ont été victimes dans l’histoire récente de tentatives de stérilisation de masse, d’inoculation de maladie en vue d’extermination.), l’obligation entraînera des violences graves au minimum, au pire des stratégies de fraudes au pass sanitaire et d’évitement avec le risque d’accroissement de la pauvreté et de faire de ces communautés des nids à variants.
oui, les populations noires mais aussi amérindiennes ont été victimes dans l’histoire récente de tentatives de stérilisation de masse, d’inoculation de maladie en vue d’extermination.
Pour réussir le pari de l’inclusion sanitaire, il faut adresser à heure de grande écoute ces questions cruciales et aller vers les relais sociaux des groupes réfractaires. Par exemple, quand le service public audiovisuel au début de la crise a permis à une heure de grande écoute la diffusion des élucubrations pseudo-scientifiques du président malgache et de son faux remède contre le Covid-19, il s’est fait l’écho sans contradiction d’un puissant courant anti-vaccin dans des communautés déjà vulnérables. Quand sur la 1re, chaîne des outre-mers du service public, on fait un an plus tard l’apologie d’une plante et d’une potion antillaise contre le Covid, on réitère la même erreur criminelle. Dans les deux cas, le service public audiovisuel a échoué dans sa mission d’information du public.
le service public audiovisuel a échoué dans sa mission d’information du public.
Ne pas aller chercher et amplifier les voix rationnelles, les autorités religieuses, traditionnelles, intellectuelles, artistiques des communautés réfractaires au nom d’une neutralité laïcarde nous a conduit à cet échec.
L’obligation vaccinale n’y changera rien. Pour ce qui touche au corps et à la maladie, la rationalité ne suffit pas. La République pour être juste doit répondre par les acteurs appropriés à l’irrationnel du refus vaccinal. Il faut sans tarder élargir la table des partenaires sociaux.
L’obligation vaccinale n’y changera rien. Pour ce qui touche au corps et à la maladie, la rationalité ne suffit pas.
Enfin, quand le président parle de faire vacciner le monde, son discours reste suspect d’une stratégie de puissance qui vise à faire payer à la solidarité mondiale une subvention au vaccin français de Sanofi et ses partenaires industriels chinois (la Chine est le deuxième marché de Sanofi.), cela sans se soucier de l’inoculation réelle de ce vaccin en bout de chaîne.
En résumé, dans cette crise sanitaire, Paris cherche un débouché pour son Poulidor pharmaceutique face à la domination Anglo-germanique sur les vaccins. Pourtant, la grandeur et le succès d’un Louis Pasteur que convoque l’adresse présidentielle venait de sa haute visée humaniste et non-lucrative.
À Brazzaville, Dakar, Kinshasa, Lilongwe les lots Covax périment et sont détruits faute de candidats à la vaccination. Y ajouter Sanofi ne changera rien à la profonde crise de confiance entre les populations du « Global South » avec les autorités sanitaires de leur pays respectif comme mondiale.
dans cette crise sanitaire, Paris cherche un débouché pour son Poulidor pharmaceutique face à la domination Anglo-germanique sur les vaccins.
Le discrédit de l’OMS est total comme le souligne le rapport sur l’aveuglement de cette organisation face aux violences sexuelles perpétrées par son personnel durant la campagne anti-Ebola en RDC.
Le transfert technologique et la fabrication localement de vaccins comme avec l’institut pasteur de Dakar sont une première étape de la réponse. Inclure toutes les figures d’autorités en qui les populations ont confiance est la clé du succès.
La fausse solidarité ne sauvera pas la France des variants. L’obligation vaccinale ne sera pleinement efficace qu’avec l’appui d’acteurs socio-culturels inédits.
Dans cette bataille pour la survie de notre espèce, aucune audace n’est superflue. Soyons audacieux.
